Stratégie et tactique dans le gouvernement Macron
Stratégie et tactique
Jean Taillardat, 170707
Un de mes bons camarades de l’armée de mer se dit atterré par l’incompréhension manifestée après les discours du Président et du Premier ministre, parce que, dit-il, le premier est stratégique et le second tactique.
Tout d’abord, mon cher camarade, un petit retour aux sources ; qu’appelle-t-on stratégie et tactique ? Définitions :
La stratégie est l’art d’allouer ses ressources et de répartir ses forces (combinaison d’Existence, de Pouvoirs et de Temps) pour atteindre les buts fixés par la pensée politique, en fonction de la situation et de ses évolutions prévisibles… et imprévisibles. C’est un art, qui s’enseigne donc.
La tactique est une habileté manœuvrière, une capacité d’adaptation en situation. Cette capacité est innée ou acquise à force d’expérience.
Revenons donc aux propos de mon camarade. Le discours du Président Macron n’est pas stratégique, et c’est heureux ; il revient au Premier ministre et à son gouvernement de traduire la pensée politique du chef de l’État en stratégie. En revanche, le Président a-t-il fixé le but à atteindre ? Que nenni ! Le but à atteindre est la résultante des valeurs sur lesquelles s’appuie l’action, et l’on sait que les valeurs de la République : Liberté, Égalité, Fraternité, sont bafouées tous les jours par ceux-là même qui devraient les promouvoir et les protéger, à la mesure de leur répétition dans des discours creux. Le but est-il de se couler dans l’Europe, mais quelle Europe ? Est-il de poursuivre la course en avant vers plus de libéralisme économique pour décidément faire de l’être humain un prosommateur assujetti ? Est-il de transformer le pays en gare routière ou ferrée ? La deuxième composante de ce que l’on appelle « le système d’orientation » de l’ensemble considéré – ici la France – ce sont les missions que ce groupe s’attribue pour lui-même et dans un ensemble plus vaste – ici l’Europe et le monde. Or la France n’a pas d’existence propre puisque ce sont les instances européennes qui fixent les normes, et c’est la BCE qui fixe la politique financière. Je suis désolé de constater que le discours du Président – qui n’est plus en campagne, crénom ! – est un ramassis de lieux-communs, d’aucuns, plus positifs, le qualifiant de sermon. Mais peut-être le Président ne tient-il pas à expliciter les buts qu’il veut faire poursuivre à son pays, hormis plus d’Europe (laquelle ?), plus d’écologie (grossière erreur, qui va devenir une faute ; qu’il faille limiter la pollution, les déchets, est un MUST, qu’on se concentre sur la lutte contre le CO2 une ineptie absolue aux conséquences dramatiques), plus de contrôle de l’État – comment pourrait-il en être autrement, derrière les discours de liberté, de la part d’un gouvernement d’énarques-fonctionnaires ?
Les buts n’étant pas définis, le Premier ministre n’est pas en mesure de fixer la stratégie pour les atteindre ; il en est nécessairement conduit à présenter une somme de petites mesures, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Peut-être a-t-il fait acte de tactique en noyant le poisson pour ne pas désespérer Billancourt ; quoi qu’il en soit, faire mine de s’offusquer d’un déficit du budget beaucoup plus grand que prévu est un acte tactique. Le malheur est que tous les gouvernements successifs ont procédé de même et que les Français, s’ils sont pour beaucoup des moutons, ont horreur d’être manipulés et là, cette incroyable découverte d’une dette méconnue ne semble pas convaincre nos concitoyens.
Donc, mon cher camarade, deux remarques finales. La première est que la communication est une habileté tactique parfaitement maîtrisée par le chef de l’État ; la deuxième est que, par définition, une stratégie ne s’affiche jamais, pour ne pas donner prise aux forces adverses. En revanche fixer le cap est un impératif négligé dans le temps politique. Et ce ne sont pas les vertiges de M. Hulot qui me rassurent ! Ce n’est pas non plus l’inexpérience de nombres de députés de La République Emmanuel Macron, par ailleurs liés par un contrat moral de soutien inconditionnel !
Heureusement la réalité (visible, appréhendable) finit toujours par avoir raison contre les idéologies ; malheureusement, les idéologies ayant la vie dure, cela se traduit toujours par des souffrances pour les gens.