Déclaration de guerre Brazzaville, le 28 novembre 2015
Chez nous, au Congo, nous avons une formule que beaucoup d’autres nous ont empruntée : « Lorsque les affaires vont mal chez vous, faites la guerre au voisin ». Et c’est peu dire que ça ne va pas bien chez nous ! Le chômage augmente pour le vingtième mois consécutif, la balance commerciale est toujours déficitaire, la dette du pays s’est accrue de vingt-cinq milliards de FCFA (francs CFA). Nos citoyens ont le moral dans les chaussettes et ce qui se passe dans les pays voisins n’est pas pour les rassurer ; même la puissante RDC a baissé ses prévisions de croissance pour l’année 2016. Une bonne nouvelle cependant : Rolls-Royce a pété tous ses records de vente, ce qui veut bien dire qu’il y a encore des gens sur la planète qui ont de l’argent et nous nous en réjouissons par contumace.
Donc, le gouvernement de Fro 1er n’a pas le moral, malgré l’oubli de sa promesse sur le non cumul des mandats et le maintien des zaza’s des zélus. Malencontreusement, ou volontairement, c’est le moment qu’a choisi l’opposition, conduite par un É. Cloppé qui a repris du poil de la bête, pour enfourcher un cheval de bataille qui fait du remue-ménage : le mariage pour tous. C’était une des soixante promesses du candidat Frolanda et nous savons bien que tous les candidats tiennent leurs promesses. Fro 1er et ses sbires sont chargés d’asséner au peuple que s’ils avaient voté pour lui, c’est pour cette promesse et pas pour une autre ; en quelque sorte les Congolais auraient plébiscité le mariage pour tous. CQFD. Donc le mariage pour tous… Comme me le dit mon petit-fils, « je vais pouvoir t’épouser, papy » ! Et moi ma sœur et ma cousine ! Cela fait quarante ans que j’en rêve. La République est porteuse d’égalité, merci à la révolution française ! Quoique je ne sache pas très bien jusqu’où va cette notion d’égalité… faut-il couper ce qui dépasse, planter ce qui manque, opérer les femmes, opérer les hommes… il faut avouer que le problème est complexe. Maintenant, il y a des premières mesures à prendre d’urgence et qui ne coûtent pas cher. Marier les hommes entre eux, les femmes entre elles et tolérer les mariages entres les hommes et les femmes. Je dis tolérer, parce que force est de constater que les hétérosexuels ont de moins en moins envie de se marier ! D’ailleurs nous avons déjà vu que Fro 1er n’a pas besoin de se marier pour répandre sa semence à tous vents. Une manifestation a rassemblé entre dix mille et un million de personnes (les chiffres diffèrent selon les sources) rétrogrades, attachées à leur traditions séculaires, qui affirment que les enfants ont besoin d’un père et d’une mère, alors que nous savons bien que pour procréer, traditionnellement, il fallait une femelle et plusieurs mâles. Chaque camp fourbit ses armes en vue d’une session parlementaire qui sera chaude. Nous espérons que nos élus, hommes et femmes confondus, tomberont dans les bras les uns des autres au bout du compte et se passeront sur le corps plutôt que par les armes !
L’avantage à entretenir ce conflit et à souffler sur les braises est que, pendant ce temps, on ne parle pas d’autre chose. En effet, l’affaire DeparAllah dont on nous rebat les oreilles depuis deux mois n’intéresse plus personne : laissons les ivrognes entre eux. Mais le calme social apparent ne profite pas au gouvernement. La cote de popularité de Fro 1er et celle du premier ministre, Le Nantais, restent au plus bas. Il faut trouver autre chose.
Coup de chance, quelques tribus sauvages – mais bien armées et fortes de bourrages de crâne et de lavages de cerveau assénés dès l’enfance – qui ont germé dans les sables du désert du Kalahari se sont mises à envahir l’est de la Namibie et s’approchent de Windhoek. Le conseil françafricain et le parlement se réunissent d’urgence à Abidjan et décident d’organiser une réunion des chefs d’États sous deux mois. Mais les sauvages sont pressés ; comme ils n’ont personne devant eux et que la nature a horreur du vide, ils sont condamnés à avancer et progressent vers Windhoek plus vite que ne le souhaitent les nations françafricaines. L’émoi est grand en Françafrique : ces sauvages, réunis sous le patronage de RamAllah, tels les conquistadors au Nouveau Monde, convertissent les enfants, violent les hommes et tuent les femmes. La plupart des victimes ne le supportent pas, certains quittent même le pays. Or le Congo a des relations privilégiées avec la Namibie, fondées sur l’exploitation des mines d’or et de diamant dont les Françafricains sont friands. Voilà, l’occasion est toute trouvée de faire la guerre à un voisin ! C’est tout bénef., toute la classe politique soutient l’action gouvernementale – une première depuis l’intervention armée au Soudan aux côtés des Alliés ! Et les médias ne parlent plus que de cela. Mme Croq’mitaine disparaît des écrans, les hétérosexuels et les exilés fiscaux aussi, les pauvres pareillement. Chez Le Nantais on se frotte les mains : « On les a bien eus ! » entend-on dans les couloirs. Les consignes aux états-majors militaires sont quand même de limiter le nombre de morts parmi les forces armées au strict minimum pour faire sérieux sans inquiéter : deux morts tous les quinze jours seraient un bon ratio.
Nous savons de source sûre mais confidentielle que les chefs de gouvernement des puissances extérieures ont été invités à assister aux opérations aériennes et à constater la qualité des aéronefs, leur puissance de feu. Certains même ont été invités, d’après nos informations, à embarquer dans les Cataractes – si difficile à vendre – pour accomplir des missions de destruction de cibles ennemies ; on leur aurait accordé le droit d’appuyer sur la détente. Il nous a été reporté que d’aucuns auraient souhaité se procurer un avion de combat pour leur usage familial exclusif mais que réponse leur aurait été faite que ces bijoux de haute technologie ne se vendent que par cent mais qu’on leur ferait un bon prix.
Concernant la fameuse manif pour tous, elle était conduite par Frigide Barjot… vous avez bien lu : Frigide Barjot ! sortie pour l’occasion de sa retraite dorée de Cintrop’, défenderesse des oursons, des loutres, des manchots, des unijambistes et maintenant des personnes frigides! Elle s’est déclarée prête à donner son corps à la science, voire à servir de mère porteuse. Comme aucun mâle ne s’est présenté pour l’honorer, elle a confié à l’agence de communication RSCJ[1] une campagne d’affichage dans tout le pays, avec sa photo relookée : « Wanted, 50.000 $ » et, depuis, l’armée encercle sa délicieuse demeure pour la protéger des foules en délire qui veulent sa tête et non son corps. Comme quoi même les meilleures agences peuvent se tromper de cible…
Malgré l’obligation qui m’est faite d’aller faire, avec mon jeune assistant, un reportage d’un mois sur le tourisme dans les hôtels cinq étoiles des paradis fiscaux, je resterai au contact de mes informateurs et ne manquerai pas de vous faire régulièrement une synthèse parfaitement objective de la situation.
Votre correspondant à Brazzaville : Charles-Georges-Valéry-François-Jacques-Nicolas du Pont Branlant