Les fonctions présidentielles
Une mienne amie, pas totalement misanthrope mais résolument féministe, me contait l’autre jour, dans sa version courte, l’aventure qui advint à un petit neurone vagabond qui rencontra un homme – un mâle – et se mit en quête des collègues neurones qui devaient s’épanouir dans son cerveau démesuré. Il y entra. Personne. Le silence absolu. Il ressentit tout d’abord une légère inquiétude, se risqua à héler d’improbables congénères. Le silence fit écho à son appel. Un sentiment de panique commençait à s’emparer de lui quand il vit surgir un neurone tout rouge et excité qui le considéra avec étonnement et lui dit : « Qu’est-ce que tu fais là ? On est tous en bas ! »
Il me faut, à ce point de mon récit, préciser que toute relation entre cette fiction (quoique…) et de quelconques considérations politiques serait le fruit de l’imagination du lecteur, les fonctions présidentielles se situant à un niveau beaucoup plus élevé dans l’humanité de nos dirigeants. Toute référence aux présidents français présent et passés serait donc malvenue.
Pour en revenir à des notions scientifiques, nous faisons appel à la théorie des trois cerveaux de Paul McLean ; les cerveaux de nos présidents, qui sont des hommes normaux, étant soumis aux lois biologiques, disposent donc de trois couches : le cerveau reptilien, le cerveau mammifère et le néocortex, qui est propre aux hominidés. Au cerveau reptilien appartiennent les activités réflexes et instinctives, dont le rut fait partie. Au cerveau des mammifères correspondent les besoins sociaux d’appartenance, le cocooning, le copinage, voire le « dépuçage ». Enfin le néocortex est le lieu de la réflexion, de la pensée, de la cognition.
Pour imager cette théorie, nous pouvons également dire que l’être humain est composé, hors les membres de la motricité et de la préhension, de trois parties : les parties molles, sises sous le diaphragme, avec ses organes de digestion et de reproduction. Le thorax, lieu de la transformation de l’air en oxygène véhiculé par le sang dans les cellules du corps humain, à l’aide de cette formidable pompe qu’est le cœur. La tête, qui juxtapose le visage et cette matière qu’on appelle grise.
À l’évidence, toute personne investie par une élection démocratique est en droit de penser que cet honneur est dû à la qualité de sa pensée, donc au développement supérieur de son néocortex. Qu’en est-il en réalité ?
Les dernières découvertes scientifiques, la biologie du comportement en premier lieu, démontrent au contraire que les organes des parties molles sont le lieu de la prise des décisions, le cerveau ne faisant que les entériner en leur donnant une valeur rationnelle. Je laisse au lecteur le soin de réfléchir sur les raisons de ses choix aussi bien pour s’accoupler, acheter, consommer, aimer, haïr, séduire, jeter… Traditionnellement, on attribue au cœur le siège de l’âme. Là encore, la science montre que les centre nerveux y sont très présents et déterminent les comportements de courage ou de lâcheté, d’affrontement ou de fuite. Quand au cerveau, son protagoniste français le plus célèbre en a défini le rôle absolument essentiel en matière de politique : « Je pense, donc je fuis ».
Ces fonctions humaines sont évidemment présentes chez chacun des êtres humains normaux, donc des dirigeants, donc des présidents. On peut donc en déduire une typologie présidentielle selon que l’un ou l’autre de ces centres primera sur les autres :
-le président cérébral, à grosse tête, qui invente le moyen de faire payer le peuple d’une façon indolore : la TVA est à ce titre une totale réussite.
-le président courageux, dont la capacité à combattre prime sur l’intelligence de la situation,
-le président libidineux, dont les parties molles guident la conduite, le caque de motard permettant d’éviter les risques liés aux écarts de conduite.
Il existe également de nombreuses combinaisons de ces trois fonctions : le cérébral libidineux, le courageux libidineux, le cérébral courageux, voire le cérébral courageux et libidineux, quoique ces trois vertus se rencontrent rarement simultanément chez les politiques. Faut-il vraiment préciser que ces fonctions se retrouvent aussi bien chez la femelle que chez le mâle, au taux de testostérone près ? On peut d’ailleurs se demander si la fonction libidinale est préalable à l’élection suprême ou si elle en est une conséquence. Les études montrent qu’elle était très présente de façon précoce chez la plupart des candidats au suffrage universel.
De cette étude théorique pourraient être tirés des enseignements sur le profil des présidents présents et passés, en France et dans l’ensemble des pays. On pourrait également définir le profil le mieux à même de répondre aux exigences de notre temps et s’interroger sur les raisons qui conduisent le peuple à choisir tel ou tel profil. Par exemple, il semblerait, mais cela reste à confirmer, que les électeurs soient, au moment du choix, guidés plus par leurs parties molles que par les autres fonctions. Ces recherches feront l’objet, nous n’en doutons pas, d’importants programmes d’études confiés à des spécialistes dont la fonction première est cérébrale, c’est-à-dire déconnectée de la réalité humaine. Nous sommes pourtant là, semble-t-il, dans le domaine de l’idéologie régnante, récupérée par des politiciens soumis aux pulsions libidinales, ce qui fausse quelque peu le débat. Mais restons optimistes, il nous restera toujours l’humour pour ne pas sombrer dans le désespoir !