Troisième lettre au Président
Pétaouchnok, quintidi, 5 floréal an 221
Monsieur le Président,
Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter : votre projet de faire du mariage religieux une survivance du passé en instituant un mariage républicain pour tous, vous qui n’avez jamais songé à vous engager dans ces liens administratifs, est en passe d’être réalisé. Seul un quarteron de frigides croyants (catholiques, protestants, juifs, musulmans) attachés à la royauté résiste encore et déjà vous avez créé un deuxième écran de fumée avec les lois que vous voulez faire voter pour assurer « la transparence » de la vie publique.
Néanmoins je vous alerte de nouveau comme je l’ai déjà fait de vive voix : les risques ne sont pas minces que l’on vous cherche des noises, sur plusieurs points que j’aborde ici.
Primo : le statut de votre maîtresse. Vous l’entretenez aux frais des contribuables et lui avez accordé un certain nombre de conseillers. Je crains qu’on vous en fasse procès car, soit elle n’est que votre maîtresse et l’on va vous demander de rembourser ces frais indument engagés, soit elle est votre concubine et dans ce cas votre déclaration de patrimoine et de revenus doit inclure la sienne. (Faut-il ajouter que vous avez investi dans une SCI avec votre ex-concubine ? et que peut-être on va vous demander de rendre cela transparent). Il va falloir vous déterminer. Le maintien de votre situation actuelle ne peut que décrédibiliser votre démarche de moralisation et, je crois bien qu’une plainte a été déposée contre vous sur ce sujet. Un comble, vous allez devoir vous marier, vous !
Secundo : les conflits d’intérêt. Vous notez à juste titre qu’il peut y avoir conflit d’intérêt pour un élu entre ses fonctions électives et ses fonctions dans le secteur privé, d’avocat d’affaires ou de médecin mais le premier des conflits concerne l’élu qui a un statut de haut fonctionnaire. Vous savez que cela est interdit en Angleterre, par exemple. Vous même conservez ce statut, vous êtes juge et partie. De plus il y a collusion évidente entre la haute fonction publique et le secteur bancaire. Vous voilà donc bien en peine de mettre en œuvre votre programme de lutte contre le système financier ! La société civile va vous interpeler sur ce point ; je vous conseille d’anticiper et de vous mettre en ligne avec les valeurs que vous affichez.
Tertio : le non-cumul des mandats. C’était une de vos promesses phares ! Il paraît évident que les élus vont renâcler ; qui est prêt à scier la branche sur laquelle il tient son fromage ! Votre crédibilité est engagée, monsieur le Président, vous donnez l’impression de vous battre sur des thèmes annexes par rapport à la gravité de la situation. Votre sens moral vous oblige à respecter votre promesse électorale, sans quoi ne vous attendez pas à ce que le peuple vous suive.
Quarto : le mille-feuille administratif et le nombre des élus. Vous êtes pris entre deux feux : favoriser vos amis élus et fonctionnaires d’État ou de régions (vous êtes fonctionnaire dans l’âme), d’un côté, ou diminuer de façon drastique leur nombre. À titre d’exemple, nous avons proportionnellement cinq fois plus de parlementaires que les USA, près de deux fois plus qu’en Russie, avec une présence effective extrêmement faible sur les bancs des assemblées !
Quinto : la bombe de la franc-maçonnerie ! Votre gouvernement compte de très nombreux frères du Grand Orient de France, dont vous, votre Premier ministre, le ministre de l’Intérieur, celui de la Défense, celui des Affaires Étrangères, le ministre des Transports et de l’Economie, celui du Travail, celui de l’Éducation Nationale, etc. Votre confrérie, au sens littéral du terme, explique la mainmise de votre obédience sur le gouvernement et, sans doute, votre aversion pour le mariage religieux, qu’il est dès lors important d’attaquer en faisant du mariage pour tous un succédané. Vous ne vous étonnez pas, m’avez-vous dit, que les religions monothéistes réagissent violemment à cette attaque en règle. Reste donc à vous marier à l’église… mais laquelle ?
Monsieur le Président, comme je le rappelais dans ma précédente lettre, vous souffrez de constater que la réalité économique ne se plie pas à vos souhaits, encore moins à votre volonté. La balance commerciale est certes passée de - 74 Mds euros en 219 à – 67 en 220 mais cela est dû à la baisse des importations et de l’euro et non à l’accroissement des exportations. Par ailleurs le nombre des chômeurs franchit un record historique à 3,2 millions et il atteint les cinq millions en intégrant les personnes qui ont travaillé au cours du dernier mois. Et ce ne sont pas les mesurettes que vous avez fait voter qui vont changer la donne. Monsieur le Président, CE SONT LES ENTREPRENEURS SOUTENUS PAR LES ACTIONNAIRES QUI CRÉENT L’EMPLOI ! La France est un pays bureaucratique, il vous faudra une énergie sans pareil et un talent pédagogique extraordinaire pour faire comprendre cette réalité aux Français, mais vous-même, comment réagissez-vous par rapport à cela ? vous qui êtes, je le répète, fonctionnaire dans l’âme. Vous m’avez dit qu’en fervent keynésien, vous comptez sur le renversement du cycle avant la fin de votre quinquennat. D’abord, vous convenez que c’est faire peu de cas des gens qui souffrent de pauvreté et d’absence de travail et vous commencez à craindre une crise profonde et durable.
Je vous souhaite bien du courage, pour vous, votre santé, et pour le peuple de France. Je me tiens à votre disposition pour vous aider dans votre prise de conscience et dans vos décisions.
Votre très dévoué,
Talleyrand