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Deuxième lettre au Président

 

                                                    Pétaouchnok, nonidi, 9 germinal an 221


Monsieur le Président,

 

             Je m’en veux terriblement de vous avoir envoyé ma lettre si tardivement que vous n’avez pas pu l’exploiter et avez si calamiteusement raté votre conférence télévisée.

 

Vous m’avez dit que ce n’était pas de votre faute, que vous aviez pris soin de consulter les esprits les plus fins de votre entourage et que vous vous rendiez à l’évidence : les courtisans ne sont pas de bon conseil !

 

Vous m’avez dit que vous regrettiez votre totale méconnaissance de l’entreprise et que vous veniez de découvrir que ce sont elles qui sont créatrices de richesse, qu’il y avait une différence irréductible entre vivre des taxes ponctionnées sur les citoyens et vivre des recettes obtenues en vendant des biens et des services ;

 

Vous avez bien essayé de l’expliquer à M. Daniel Poujadasse mais avec une telle réserve, un tel manque de conviction que vos auditeurs ont bien compris votre dilemme : vous renier ou dénier la réalité !

 

Et puis, vous aviez appris la veille de votre intervention que le déficit de l’État pour l’an 220 était de 4,8 % du PIB, faisant grimper la dette à 90 % du même PIB ! Il y avait de quoi être perturbé, le coup est rude : comment ? La réalité ne se plie pas aux dogmes ! Du coup vous reprochez à vos excellents professeurs de l’ENAE de ne pas vous avoir enseigné l’histoire, par exemple celle de l’écroulement de l’Empire Soviétique : la mort de l’initiative individuelle, la chape de plomb mise par l’État sur les forces vives du pays. Vous venez de comprendre cette parole forte : « La France est le dernier pays communiste au monde », avec la Corée du Nord, avez-vous ajouté. Vos yeux se sont décillés : « Bon sang, c’est donc pour cela que la Chine a libéralisé son économie ! » Certes, il y a des effets pervers : injustice, pollution, mais globalement les Chinois s’enrichissent et le chômage diminue. N’est-ce pas ce que le bon peuple veut ?

 

Monsieur le Président, mon cher Napoléon ; vous me demandez de vous conseiller en secret pour sortir la France de la zone rouge – de la zone de relégation, m’avez-vous dit exactement – et pour préparer votre prochaine intervention à l’occasion du 1er anniversaire de votre règne – Vous espérez que ce ne sera pas le dernier mais n’en êtes plus si sûr. Entre ces deux futurs : être contraint à démissionner – avant que le peuple ne réclame votre tête – pour laisser la place à votre opposant de droite haï (à cette idée, votre visage se crispe, la sueur couvre votre corps et trempe le col de votre chemise) ; ou bien appliquer un amitieux programme de redressement national, à l’allemande… (recevoir des félicitations du Kayser vous file des boutons, être brocardé par vos ex-amis socialo-bureaucrates aussi) mais la perspective d’être réélu en l’an 225 fait passer la pilule.

 

Allons, courage, monsieur le Président, vous sortirez grandi par l’épreuve du pouvoir et je serai fier d’avoir permis l’émergence du Discours d’un Monarque. Dommage que nous ayons perdu un an, le temps de votre formation accélérée !

 

Recevez, mon cher Président, l’expression intéressée de ma haute considération et de mon admiration sans borne.

 

Votre très dévoué,
Talleyrand

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