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- Actualités - Page 2

  • Je suis l’homme de ma vie…

    François, Georges, Valéry, Jacques, Nicolas Prés’dent.

    Prune, primidi, 1 fructidor an CCXXI

    Une revue people s’est arrangée pour se procurer la copie du journal de monsieur Hollande et nous en reproduisons l’article qu’il a écrit le 15 octobre 2014 alors qu’il était à mi-mandat. C’est instructif !

    « J’ai pris quelques jours de repos à la Lanterne – de triste mémoire, mais je n’avais surtout pas la même chambre que V., pour la bonne raison déjà qu’elle y avait tout cassé ! – et en profite pour faire le point, dans mon coin. Ils me les b… tous à m’imposer ce que je dois faire, comme s’ils n’avaient pas compris comment je fonctionne !

    Et je les em… ! Pas un seul qui ait pu penser que je leur passerais devant. « Oh, il fait un excellent second, un excellent premier secrétaire… en l’absence d’une forte personnalité ». Vous ne m’avez pas vu venir, hein ? « C’est le compagnon de S.R. ; DSK lui… » Et moi, discret, dans l’ombre, maire d’une bourgade, député rural, président du conseil général du troisième département le moins peuplé de France, premier secrétaire transparent pendant onze ans… aucune chance pour les élections de 2012 : DSK sera président !

    Et c’est moi qui rafle la mise ! Ah, ah, tous roulés dans la farine ! Et les voilà qui lèchent l’empeigne de mes chaussures !

    Roland Dumas me qualifie de fourbe, je trouve que c’est excessif, je dirais pour ma part que je suis dissimulé, et on le serait à moins ! Jugez : un père d’extrême droite qui nous fait peur, à P. et à moi ; une mère assistante sociale qui se réfugie dans la calotte. Catho tous les deux. J’ai très rapidement compris que j’avais intérêt à fermer ma gueule, à sourire, à dire oui et à agir en douce, en faisant très attention à ne pas me faire prendre. L’avantage de faire semblant d’être soumis, c’est que j’ai consacré mon énergie à faire des études, à être le bon élève, comme ça on m’a foutu la paix.

    Avec S. là encore, je rigole ; elle avait le béguin pour D. qui n’en voulait pas. Moi, j’arrive, je lui fais mon plus beau sourire, elle se dit qu’à défaut de « classe » (quel pédant, ce D. !), je présente l’avantage de ne pas lui faire d’ombre. Quatre enfants, je lui fais, et j’en suis assez fier, d’autant que, désireuse de conserver sa liberté, elle ne m’a pas cherché des poux sur la tête quand j’ai eu des maîtresses, et j’en ai eues ! C’est vrai que j’ai mal vécu qu’elle soit la candidate en 2007, j’étais toujours le second ; je serais bien resté avec elle mais V. m’avait mis la main dessus. Après coup, je me dis que les choses ont bien tourné pour moi. S. est une forte femme, j’ai fermé ma gueule ; V. est une forte femme, j’ai fermé ma gueule mais l’une comme l’autre ont finalement bien servi ma carrière. J’ai appris avec mon père qu’il ne fallait pas se heurter de front avec les forces adverses… hé, hé, c’est que je suis un bon judoka ! Utiliser les forces de l’autre, prendre son temps, exploiter autant que possible ce qu’il apporte et s’en débarrasser ensuite ; hop !

    Le coup de J. c’est quand même extra. V. me portait sur les nerfs ; qu’elle m’embrasse sur la bouche devant toutes les caméras du monde, passe encore ; qu’elle envoie un tweet pour dégommer mon ex, c’est con ! On s’est engueulés. Plus ça allait, plus je me suis rendu compte que j’avais avec elle les mêmes relations qu’avec mon père, je l’évitais !

    J.… J., là j’ai eu le vrai coup de foudre… enfin, coup de foudre, disons honnêtement que j’ai été sensible à l’admiration que m’a portée cette femme belle, jeune, et à sa tendresse aussi. C’est bien la première fois que je recevais de la tendresse de la part d’une femme !

    Non, il faut que je ne me mente pas à moi-même. Ma mère nous a aimés tendrement, P. et moi. Elle était même assez étouffante et « castratrice ». Je me demande si je n’ai pas trouvé en J. une seconde mère. On n’imagine pas la difficulté du rôle de président ; contrainte permanente, des décisions à prendre tous les jours, des collaborateurs et un gouvernement flagorneurs et souvent incompétents, pas un instant à soi… et ça, je ne supporte pas. Avant, je roulais à scooter, je pouvais m’échapper, me faire la belle… au sens propre comme au sens figuré et là, parce que j’atteins le plus haut sommet de l’État, il faudrait que je me prive de ma liberté ! Pas question !

    Contrairement à ce que disent les médias, je ne suis pas assez dissimulé. J’avais dit publiquement que le casque me permettait de me déplacer incognito, je n’aurais pas dû. Certes le casque n’a pas protégé mes fredaines mais j’aurais dû le savoir. À moins que… à moins qu’inconsciemment, j’aie fait ce qu’il fallait pour que V. soit mise devant le fait accompli et qu’elle se taille, je ne la supportais plus. Être obligé de lui faire l’amour et de lui dire : « je t’aime » alors que je sortais des bras de J., c’était trop. « Une petite fille en pleurs, dans une ville en pluie, et moi qui cours après… ». D’abord elle n’était pas en pleurs, elle a piqué une colère dingue et a tout cassé dans mon bureau et, en plus, je courais pour m’éloigner d’elle ! Rien compris, Nougaro !

    Bon, ça, c’est pour ma vie privée. Pour ma vie publique, un petit bilan. Là il est simple : je voulais être président de la République française, je suis président, et pour deux ans et demi encore ! M. mon maître a écrit « Le coup d’État permanent » mais lui comme moi, qu’est-ce qu’on apprécie la constitution de la cinquième République ! Une fois élu, tu es indéboulonnable. Au pire, tu es contraint à une cohabitation mais c’est de la gnognotte ! Il n’y a qu’un président, c’est moi ! De toutes façons, la France étant ce qu’elle est, c’est-à-dire ingouvernable, il est stupide d’essayer de la gouverner. Je ne suis pas mécontent d’avoir donné un coup de pied dans la fourmilière avec nos lois sociétales : le mariage pour tous, c’est un bras d’honneur à mon père ! L’IVG pour tous, une quenelle à ma mère ! L’euthanasie légale, une bouffonnerie ! En fait, je crois que je suis un bouffon, fondamentalement. Ah, oui, la T., c’est un sacré morceau, elle les bat tous à plate couture ! L’idée de sortir les coupables des prisons, c’est quand même incroyable ! J’ai horreur des prisons, sans doute parce que j’ai eu l’impression d’être en prison toute ma jeunesse… et même avec V. Et je n’ai jamais vu quelqu’un mentir avec un tel aplomb. Dommage qu’elle ne soit pas mon genre… « Mon genre »… je me gausse !

    « Et maintenant, que vais-je faire ? », mon cher Bécaud. J’aime le travail et, avec tous les dossiers que je prends directement en main, le travail ne manque pas. Quand même, je ne pensais pas que je me comporterais à ce point comme S. J’ai l’excuse d’une situation du pays catastrophique et d’une équipe gouvernementale minable. « Moi, président… » Eh oui, moi président, je pourrais même dire monarque, j’ai tous les pouvoirs avec ma majorité parlementaire et sénatoriale, mes copains dans la justice et la police. L’État de la France ne s’améliore pas ? Qu’y puis-je ? Avec nos syndicalistes, nos trotskystes, nos élus, personne ne peut faire bouger les choses, même pas M., j’en suis persuadé. Alors on va s’enfoncer de plus en plus. Ça va chauffer ! On a sauvé l’essentiel des municipales, on a pris une veste aux européennes, le peuple est dans la rue, ça chauffe déjà ! J’ai envie de lui dire qu’il n’avait qu’à pas voter pour moi mais il manque cruellement d’humour…

    Le seul problème, c’est que j’aimerais bien être réélu pour cinq ans encore. Sinon, je me demande ce que je pourrais faire d’intéressant… peut-être des conférences ? Je ne suis pas un bon orateur… Monter sur scène ? Hé, hé, pourquoi pas. Avec J. on pourrait écrire une pièce et je pourrais donner libre cours à mon humour.

    Mais le plus important, mon cher François Gérard Georges Nicolas, c’est vraiment que je sois content de moi. Je sais que c’est terriblement narcissique mais… je m’aime ! Et, vraiment, je peux dire que je suis l’homme de ma vie !

  • La ferme des animaux - 2

    Il était une fois dans une grande République au rayonnement international, une famille normale, avec un papa, une maman, trois filles et trois garçons, vivant paisiblement loin des divagations de la capitale, dans un petit pavillon de banlieue derrière lequel un lopin de terre procurait à la belle saison de beaux légumes et un parterre de fleurs multicolores.  Six enfants pas toujours sages et raisonnables qui recevaient alternativement taloches et coups de pieds aux fesses, nonobstant la Loi qui leur faisait risquer la prison et la perte de l’autorité parentale, mais apportaient à leurs parents de grandes joies et satisfactions. Le petit dernier était particulièrement rusé et taquin ; il n’acceptait aucun fait, aucune théorie, aucune explication pour acquis sans l’avoir passé au crible de son sens critique. « Pourquoi » était son mot favori dès l’âge de deux ans et il faisait enrager grands et petits avec son insistance. « Et pourquoi il faut pas dire pourquoi ? » À l’école, il faisait tourner ses maîtres en bourrique, relevant les moindres failles de raisonnement : « Mais, madame, vous venez de faire un paralogisme ! » ; « Monsieur, vous dites que les marées sont dues à l’attraction de la lune, mais pourquoi les marées sont hautes aussi quand la lune est à l’opposé ? » Et il n’avait pas dix ans ! C’est pourquoi (décidément, il a réussi à imprimer dans nos esprits ce mot « pourquoi ») toute la famille l’appelait… « Por que », en souvenir d’une lointaine tante étrangère. Cependant, comme, à l’âge de douze ans, il professait que le phénomène de l’humanisation existait (je cite) « pour permettre l’émergence de rares êtres d’exception par leur art et leurs talents à la gloire du Créateur », il aurait été appelé Génie si ce surnom n’avait pas déjà été attribué à un certain Léonard. Une de ses sœurs l’ayant entendu affirmer que l’ère était venue de l’apparition d’homo sapiens sapiens sapiens, l’appela « Sapiens au cube » et les autres frères et sœurs « Sapiens puissance trois », sobriquets qui furent réduits pour des raisons pratiques à un simple « Sapiens ».

     

    Deux siècles auparavant, des bourgeois repus désireux de se débarrasser de la tutelle royale fomentèrent des troubles et activèrent des révolutionnaires purs qui chantèrent et dansèrent la carmagnole en coupant des têtes. Comme les nobliaux objets de la vindicte populaire se dépêchèrent de quitter la République nouvelle pour conserver leurs têtes en même temps que leurs perruques, il ne se trouva plus de candidat à la guillotine. Qu’à cela ne tienne, on allait se couper les têtes les uns aux autres, signe d’une grande maturité. Ces révolutionnaires rêvaient de fabriquer un être nouveau, qui n’aurait plus rien de la nature sauf les parties molles. Le temps passa, le rêve fut enseveli sous différents empires.

     

    Il survint alors que Sapiens entrait dans l’adolescence, avec les troubles que l’on connaît. Un dénommé Pinson Veillant, qui n’était pas une tête de linotte, reprit le rêve à son compte et le transmit à un groupe de « Grands-Garçons », communauté secrète qui s’affublait d’étranges accoutrements. Il s’agissait de retirer les enfants à leurs familles – parce qu’elles leur transmettaient des idées rétrogrades, voire un héritage culturel – et de leur donner la liberté de se conformer aux Idées Neuves, comme : « Ce que vous avez entre les cuisses est un produit de la Nature, or la Nature a fait définitivement place à la Culture, donc vous n’en tiendrez pas compte ».  Sapiens fut troublé – il lui semblait bien qu’il était un garçon – mais, passant toute théorie et toute impression au crible de son sens critique, il demanda à ses sœurs de lui prêter leurs vêtements, il se maquilla, s’entraîna à marcher sur des talons hauts (quelle idée stupide !) et s’essaya à parler dans une octave de soprano. Le résultat fut immédiat : un éclat de rire généralisé qui s’empara de toute l’école, de la banlieue et résonna jusqu’au cœur de la capitale. « Mais enfin, mes amis, disait-il, comment savez-vous que je suis un garçon ? N’importe qui me voyant pour la première fois pensera que je suis une fille. Sans doute êtes-vous conditionnés par la culture de vos familles ». Sapiens exerçait une grande influence sur ses proches, si bien qu’en l’espace de deux mois, tous les garçons s’étaient transformés en filles, ce qui rendait les vraies filles furax. Un matin, l’une d’elle se présenta à l’école le crâne rasé, en tenue punk, un tatouage sur chaque bras, des rangers aux pieds, et prit une voix grave. Une folie joyeuse s’établit dans le quartier, toutes les filles sauf une ou deux qui se prenaient vraiment pour des filles devinrent des garçons, créant un grand malaise dans le corps enseignant. La directrice organisa une grande réunion, à laquelle furent invités les représentants des parents d’élèves, sur le thème : faut-il interdire aux jeunes de choisir leur « genre » ? Les parents rigolaient tellement qu’ils arrivèrent tous travestis et considérèrent les enseignants avec réprobation. Aussitôt les profs se conformèrent à la nouvelle norme sociale et firent assaut de créativité.

     

    Pinson Veillant, alerté par ses services, se rendit sur place avec plusieurs ministres et le maire de la capitale ; ils furent accueillis sous des banderoles, les jeunes agitant des pancartes, brandissant des petites culottes (les garçons) et des caleçons (les filles). Les politiques – essentiellement des hommes, à part le ministre de la justice – reçurent des vêtements adéquats et furent invités à se rendre dans des cabines d’essayage. Madame le ministre de la justice ne manquait pas d’humour et fut la première – le premier – à sortir de sa cabine en tenue de combat, la casquette vissée sur son crâne chevelu, la mine hilare. Ce qui était étrange, c’est que le maire de la capitale, dont chacun connaissait les mœurs inverses, se refusait à revêtir la tenue offerte, arguant du fait que ce n’est pas parce qu’on aime les hommes qu’on est une femme !

     

    Soit, répondirent les élèves en bons citoyens, comme le genre ne peut être imposé, nous allons en changer au gré de nos envies. Le chaos devint général, les enseignants n’arrivant pas à s’adresser correctement à leurs élèves, utilisant le féminin pour un garçon ayant changé de genre dans la nuit et le masculin pour une fille. La suite allait de soi, le genre est une vision ringarde de l’être humain ; bientôt, on vit poindre des moutons, des puces, des abeilles, des lions effrayants, des loups qui firent fuir les moutons. Les enseignants furent dans l’obligation de créer des enclos pour protéger les animaux domestiques de leurs prédateurs. Le ministre reçut les doléances de la direction de l’école, qui demandait d’urgence des bergers et des dompteurs.

     

    Sapiens fut invité par différentes chaînes de télévisions : UV6, TP8, Artung et d’autres. Sa première interview en direct créa une panique généralisée ; il était devenu sanglier (on ne cherchait pas à savoir de quel sexe, tellement il faisait peur) et chargeait les journalistes et les techniciens. Le bon peuple qui regardait le JT, comme d’habitude, avec un regard bovin (le bon peuple avait anticipé son genre !), commença par laisser sa mâchoire tomber avant de sentir ses muscles zygomatiques se mettre en action et de se rouler par terre dans des accès de délire collectif.

     

    Le Président prit les choses en main, c’était de son devoir : il fit un discours d’une très grande qualité, auquel le bon peuple ne fut pas sensible. Il tenta, comme le dit la formule, de ménager la chèvre et le chou. Le lendemain, dans toute la République, des choux firent leur apparition. D’un côté, les écologistes qui participaient au gouvernement encourageaient les initiatives individuelles et les communistes – qui n’ont pas beaucoup d’humour, c’est connu –réclamaient le rétablissement de l’ordre républicain ; de l’autre, l’opposition poussait le Président à l’authenticité et lui demandait d’afficher son genre, en profitant elle-même pour libérer ses pulsions. Quelle cacophonie sur les bancs de l’Assemblée ! Caquetages, rugissements, bêlements et même barrissements se mêlaient dans un joyeux délire, au point que la chaîne « Ici-Parle-m’en » rencontra un succès inespéré : c’était mieux que Le Grand Défilé, la Roue de la Fortune, Plus folle la vie et C’est dans l’Air du Temps réunis.

     

    Le premier ministre, ce jour-là cochon, réunit ses ministres pour resserrer les rangs autour du Président de la République/biquette. Manquant de la prudence la plus élémentaire, il fut dévoré par un ministre de l’Intérieur/hyène affamée qui s’empressa de prendre sa place.

     

    Mais l’affaire ne s’arrêta pas là. Souvenez-vous, quelques mois auparavant, le Président forçait le peuple à adopter le mariage pour tous, nique aux bien-pensants de droite. Victoire pour les minorités opprimées ! mais gros échec dans  les faits : rares étaient ceux qui voulaient réellement se marier, le Président en premier. La théorie du genre mise en pratique releva le niveau du débat : des couples se formèrent qui demandèrent l’onction républicaine : petites cochonnes avec grands méchants loups, petits cochons avec grandes méchantes louves, grandes cochonnes avec loups introvertis, grands cochons avec louves masochistes… et quelques autres assemblages du même « genre », et même des personnes pourvues d’une petite théière avec d’autres pourvues d’un abricot mignon, qui furent mis sous une surveillance rapprochée car témoignage d’un âge révolu. Le contrôle de ces comportements républicains nouveaux nécessita le vote de nombreuses lois qui épuisèrent les pauvres députés – ils n’avaient même plus la force de changer de genre ! –, ainsi que le recrutement de cinq cent mille policiers pour faire respecter les lois. En définitive, tout le monde était content : on s’amusait bien et on résorbait le chômage.

     

    Les seuls qui n’approuvaient pas ce progrès social étaient les banquiers rapaces qui, bientôt, refusèrent d’engager un argent dont ils pouvaient faire un bien meilleur usage – j’aurais plaisir à vous dire quel usage ils font de cet argent qui ne leur appartient pas mais nous serions hors sujet. Ils observaient les files de volatiles qui chantaient et dansaient la marche des canards, des conflits entre Napoléon Bonaparte’s de circonstance, des crêpages de chignon entre personnes de genres changeants. Tout cela ne faisait pas sérieux et, surtout, ne produisait pas d’argent frais à ponctionner.

     

    L’État lui-même s’en émut, en la personne de son plus haut dignitaire, à c’t’heure garde d’enfants dans une nursery. Il reçut des appels de ses collègues des autres Démocraties et Royaumes – car les Grands-Garçons n’avaient pas réussi à zigouiller tous les rois, reines, princes consort et qu’on n’ose pas sortir. Juste dans cette République exemplaire avaient-ils atteint leur but. Donc, le Président, maintenant étalon reproducteur, fut mis devant ses responsabilités : « Vous remettez de l’ordre chez vous ou on vous les coupe… » – il s’agissait de couper les vivres, bien entendu. Il convoqua, derrière une grille solide, son nouveau Premier-ministre, qui avait aussi dévoré d’autres ministres, tant qu’à faire car il avait clairement choisi son genre : prédateur, et lui intima l’ordre de faire revenir le pays dans l’état antérieur et dans les plus brefs délais. Le nouveau Premier-ministre rugit de bonheur, provoquant une peur panique chez le Président/gazelle malgré la solidité de sa cage.

     

    Il convoqua le ban et l’arrière-ban des journalistes de tous crins, sportifs, animaliers, scientifiques et même politiques. Il les fit déshabiller, reprendre forme humaine et vêtir en fonction de leurs attributs, contrôlés « à la main » par une équipe spécialisée. Il leur dit : « Camarades, Mesdames, Messieurs, le monde entier nous regarde, nous nous devons de nous comporter dignement. Nos rêves de dépassement de l’Homme, nos rêves de Surhommes demeurent, mais la finance dicte sa loi d’airain ; notre ennemi, c’est le système financier, comme l’a dit notre Président-candidat. Ce n’est pas parce qu’il a tourné sa veste et viré cuti qu’il faut l’oublier. Pour l’heure, le système financier gagne une bataille, mais nous l’aurons, oui, nous l’aurons un jour. D’ici là, je vous ordonne de faire comme si nous étions devenus raisonnables. La Culture, c’est une chose, la Nature en est une autre, vive la Nature ! Allez, la fête est finie – il était sur le point de dire : la messe est dite ! – Allez enseigner le bon peuple. »

    -     Merci au Président, merci à notre Premier ministre (celui-ci avait repris sa forme humaine et était à peine moins inquiétant : ses sourcils épais, sa mâchoire puissante, son regard méchant n’incitaient pas à la rigolade), merci au Grand Horloger, merci à l’Être Suprême, merci à Pinson Veillant…

    Ils arrêtèrent là leur litanie quand ils se rendirent compte que le dénommé Pinson Veillant, anéanti par le fiasco de sa théorie du genre et de la construction d’un Homme Nouveau, s’était éclipsé. Il paraît qu’il veut fabriquer cet Homme Nouveau en Papouasie-Nouvelle-Guinée…

     

    Mais on ne passe pas impunément d’un état culturel à un état naturel aussi facilement. Il fallait un solide accompagnement personnel pour amortir le traumatisme. Les cinq cent mille policiers devenus inutiles furent reconvertis en psychanalystes après une formation très courte. Moi-même, auteur de ces lignes, vous assure de la qualité de leurs soins : la matraque est l’instrument le plus efficace pour vous faire changer d’opinion et de ligne de conduite. Mais nous regrettons tous cette période festive : qu’est-ce qu’on s’est amusé !

     

     

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  • Troisième lettre au Président

                                                       Pétaouchnok, quintidi, 5 floréal an 221

     

     Monsieur le Président,

     

        Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter : votre projet de faire du mariage religieux une survivance du passé en instituant un mariage républicain pour tous, vous qui n’avez jamais songé à vous engager dans ces liens administratifs, est en passe d’être réalisé. Seul un quarteron de frigides croyants (catholiques, protestants, juifs, musulmans) attachés à la royauté résiste encore et déjà vous avez créé un deuxième écran de fumée avec les lois que vous voulez faire voter pour assurer « la transparence » de la vie publique.

     

        Néanmoins je vous alerte de nouveau comme je l’ai déjà fait de vive voix : les risques ne sont pas minces que l’on vous cherche des noises, sur plusieurs points que j’aborde ici.

     

       Primo : le statut de votre maîtresse. Vous l’entretenez aux frais des contribuables et lui avez accordé un certain nombre de conseillers. Je crains qu’on vous en fasse procès car, soit elle n’est que votre maîtresse et l’on va vous demander de rembourser ces frais indument engagés, soit elle est votre concubine et dans ce cas votre déclaration de patrimoine et de revenus doit inclure la sienne. (Faut-il ajouter que vous avez investi dans une SCI avec votre ex-concubine ? et que peut-être on va vous demander de rendre cela transparent). Il va falloir vous déterminer. Le maintien de votre situation actuelle ne peut que décrédibiliser votre démarche de moralisation et, je crois bien qu’une plainte a été déposée contre vous sur ce sujet. Un comble, vous allez devoir vous marier, vous !

     

       Secundo : les conflits d’intérêt. Vous notez à juste titre qu’il peut y avoir conflit d’intérêt pour un élu entre ses fonctions électives et ses fonctions dans le secteur privé, d’avocat d’affaires ou de médecin mais le premier des conflits concerne l’élu qui a un statut de haut fonctionnaire. Vous savez que cela est interdit en Angleterre, par exemple. Vous même conservez ce statut, vous êtes juge et partie. De plus il y a collusion évidente entre la haute fonction publique et le secteur bancaire. Vous voilà donc bien en peine de mettre en œuvre votre programme de lutte contre le système financier ! La société civile va vous interpeler sur ce point ; je vous conseille d’anticiper et de vous mettre en ligne avec les valeurs que vous affichez.

     

        Tertio : le non-cumul des mandats. C’était une de vos promesses phares ! Il paraît évident que les élus vont renâcler ; qui est prêt à scier la branche sur laquelle il tient son fromage ! Votre crédibilité est engagée, monsieur le Président, vous donnez l’impression de vous battre sur des thèmes annexes par rapport à la gravité de la situation. Votre sens moral vous oblige à respecter votre promesse électorale, sans quoi ne vous attendez pas à ce que le peuple vous suive. 

     

       Quarto : le mille-feuille administratif et le nombre des élus. Vous êtes pris entre deux feux : favoriser vos amis élus et fonctionnaires d’État ou de régions (vous êtes fonctionnaire dans l’âme), d’un côté, ou diminuer de façon drastique leur nombre. À titre d’exemple, nous avons proportionnellement cinq fois plus de parlementaires que les USA, près de deux fois plus qu’en Russie, avec une présence effective extrêmement faible sur les bancs des assemblées !

     

       Quinto : la bombe de la franc-maçonnerie ! Votre gouvernement compte de très nombreux frères du Grand Orient de France, dont vous, votre Premier ministre, le ministre de l’Intérieur, celui de la Défense, celui des Affaires Étrangères, le ministre des Transports et de l’Economie, celui du Travail, celui de l’Éducation Nationale, etc. Votre confrérie, au sens littéral du terme, explique la mainmise de votre obédience sur le gouvernement et, sans doute, votre aversion pour le mariage religieux, qu’il est dès lors important d’attaquer en faisant du mariage pour tous un succédané. Vous ne vous étonnez pas, m’avez-vous dit, que les religions monothéistes réagissent violemment à cette attaque en règle. Reste donc à vous marier à l’église… mais laquelle ?

     

       Monsieur le Président, comme je le rappelais dans ma précédente lettre, vous souffrez de constater que la réalité économique ne se plie pas à vos souhaits, encore moins à votre volonté. La balance commerciale est certes passée de - 74 Mds euros en 219 à – 67 en 220 mais cela est dû à la baisse des importations et de l’euro et non à l’accroissement des exportations. Par ailleurs le nombre des chômeurs franchit un record historique à 3,2 millions et il atteint les cinq millions en intégrant les personnes qui ont travaillé au cours du dernier mois. Et ce ne sont pas les mesurettes que vous avez fait voter qui vont changer la donne. Monsieur le Président, CE SONT LES ENTREPRENEURS SOUTENUS PAR LES ACTIONNAIRES QUI CRÉENT L’EMPLOI ! La France est un pays bureaucratique, il vous faudra une énergie sans pareil et un talent pédagogique extraordinaire pour faire comprendre cette réalité aux Français, mais vous-même, comment réagissez-vous par rapport à cela ? vous qui êtes, je le répète, fonctionnaire dans l’âme. Vous m’avez dit qu’en fervent keynésien, vous comptez sur le renversement du cycle avant la fin de votre quinquennat. D’abord, vous convenez que c’est faire peu de cas des gens qui souffrent de pauvreté et d’absence de travail et vous commencez à craindre une crise profonde et durable. 

     

        Je vous souhaite bien du courage, pour vous, votre santé, et pour le peuple de France. Je me tiens à votre disposition pour vous aider dans votre prise de conscience et dans vos décisions.

      

    Votre très dévoué,

    Talleyrand