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- Actualités - Page 3

  • Rien ne va plus !

                                                                        Brazzaville, le 7 janvier 2016

     

    Cher lecteur impatient,

     

    L’actualité m’a rattrapé alors que je franchissais la passerelle de l’avion mis à ma disposition pour mon fameux reportage sur les pingouins : la République est en danger ! Elle est en danger parce que nos élus ne peuvent plus faire le contraire de ce qu’ils disent sans que les médias s’en mêlent.

     

    Ainsi, notre ministre du budget, Jérôme K. Jérôme, anciennement président de la commission des finances, a avoué avoir mis en bon gestionnaire de l’argent de côté dans une petite île de la côte occidentale réputée pour blanchir les africains : Sao et Tomé. Oui mais voilà, il n’avait pas le droit, pas plus que tous les fortunés qui pratiquent le déplacement de monnaie pour échapper aux collecteurs des impôts du Monarque. Qui plus est, JKJ avait la charge de faire rapatrier ces billets qui voyagent au gré des banques. Personnellement, je considère, preuves à l’appui, qu’il n’y a pas meilleur policier qu’un ancien repris de justice[1]. D’ailleurs, tout le monde, l’ensemble de l’échiquier politique, louait son professionnalisme.

     

    Il semblerait que le larcin n’atteindrait pas des sommes mirobolantes et que « le feu ne valait donc pas la bougie[2] ». Oui mais voilà, JKJ a menti, en nous regardant tous les yeux dans les yeux, et cela, c’est impardonnable. Frolanda l’a dit lui-même. Prenons cependant un peu de recul, cher lecteur ; un autre homme d’État congolais a menti pendant quatorze ans en nous mettant sous le nez des examens médicaux falsifiés : Anchois Mazarin ! Dans la Puissance des États du Nord (la PEN), un autre président a juré sur la Bible que les taches sur la robe de Moussaca Vitprix n’était pas le fruit de ses pollutions diurnes. Un de ses prédécesseurs a juré qu’il n’avait pas mis des écouteurs sur les oreilles de ses concurrents.

     

    Nous aurons une République irréprochable, a proclamé Frolanda… C’est grave, il va falloir É-LI-MI-NER la totalité des députés, au bas mot ! puisque leur rôle au parlement consiste avant tout à pratiquer le trafic d’influence pour faire affluer la manne étatique vers leurs circonscriptions ! Et qu’une autre partie importante de leur temps est consacré à se voter des retraites pour lesquelles ils n’ont pas ou ont peu cotisé. J’en connais un certain nombre qui briguent un mandat centrafricain, bien plus juteux ! Là, pas d’impôts du tout !

     

    Holà, on parle maintenant d’un secrétaire de la campagne qui aurait également un compte en Sao ! Un socialisse que j’interviouvais récemment me déclarait : « On ne peut pas reprocher à un socialisse de ne pas aimer l’argent ! ». Je comprends maintenant pourquoi ils se dépêchent de s’en débarrasser : loin des yeux, loin du cœur !

     

    Les socialisses de base sont effarés, déçus, déboussolés ; certains même sont en colère. Comprenons-les, chers lecteurs, beaucoup d’entre eux sont fonctionnaires ; ils s’inquiètent. Un jour, on va leur demander de cotiser plus pour leurs retraites, de travailler plus longtemps, de rogner sur leurs pensions, en un mot, d’être des citoyens comme tout le monde. Insupportable ! Aux armes, bureaucrates ! Formez vos manifestations !

     

    Et l’opposition dans tout ça ? Je l’ai écrit : Achille Talon éructe de plus belle, Moussa Razé réclame la démission de tous les politiques, elle incluse, car les politiques sont des m… ! dit-elle. Flippé rigole ; il espère bien que les Congolais vont oublier ses petits arrangements avec l’honnêteté, malgré le livre que deux insolents journalistes viennent de publier. Couillon est lointain ; il semble qu’il ait jeté toutes ses forces dans la bataille pour la conquête du PRC[3] et qu’il soit épuisé. M’Bassar-Kosi a des démêlés avec la justice, jetons un voile de pudeur sur sa vie privée.

     

    J’ai beaucoup parlé des hommes, cher lecteur, mais les poulets volent bas également entre les femmes pour la conquête de Brazzaville, ULM et BD[4]. Elles s’accusent réciproquement d’être des parachutées, des moins que rien, des femmes quoi ! Et des bagarres de femmes, c’est torride, pire que des combats de coqs, croyez-en un habitué des combats de femmes dans des bains de boue !

     

    Je vous l’écrivais : rien ne va plus !

      

    Charles-Georges-Valéry-François-Jacques-Nicolas du Po



    [1] L’inverse est vrai, dit-on. Il n’y a pas meilleur conseiller en planque d’argent que l’ancien collecteur des impôts. Cette affirmation, au dire des personnes fortunées, n’est cependant pas avérée.

    [2] Expression typiquement congolaise par assimilation de l’ancienne langue coloniale.

    [3] PRC, pour rappel : Parti Républicain du Congo, le parti au pouvoir étant le PDC – Parti Démocratique du Congo, et non des homosexuels hommes !

    [4] ULM et BD : Ursula-Louise Moriarty et Badine Dosados

  • Un chef de guerre

                                                                      Brazzaville, le 3 janvier 2016

     

    Cher lecteur,

     

    Je suis de retour avec quelque retard du périple imposé par mon journal… « Explorer les îles des réfugiés et des exilés ». Hélas, et c’est la raison de mon retard, je n’ai pas réussi à rencontrer le moindre soi-disant exilé. En revanche, j’ai approché nombre de leurs représentants, ma foi fort bien vêtus, ayant limousine et chauffeur. C’est ainsi que j’ai appris, cher lecteur, la dure réalité : ce sont les fortunes qui sont exilées, mais par les fortunés… On apprend à tout âge.

     

    Je suis revenu à temps pour assister à la deuxième conférence télévisuelle de notre monarque républicain, Frolanda 1er. Eh bien, je ne l’ai pas reconnu. La victoire obtenue sur les Sauvages en Namibie doit y être pour quelque chose, Frolanda est devenu CHEF DE GUERRE. Il l’a dit, il l’a répété, son gouvernement est en ordre de bataille. Et surtout nous avons appris, cher lecteur, qu’il avait une… une boîte à outils ! que, grâce à elle et pour peu que nous sachions patienter, il allait nous bricoler un bon petit redressement national, malgré tous les obstacles que des Dieux hostiles s’obstinent à lui mettre dans les roues à grands coups de bâtons.

     

    Cher lecteur, je vous avoue franchement que je n’ai pas apprécié vos réactions. Notre Président n’a fait que répéter les soixante propositions de sa campagne ! Hier, vous votiez pour lui, aujourd’hui vous le rejetez, à 66 %. Le peuple est pusillanime !

     

    Il est vrai que des premières lois votées, la première a été retoquée par le CSDC[1], la deuxième a mis plus d’un million de personnes dans la rue, aucune des deux n’apportant quoi que ce soit de plus pour personne d’ailleurs.

     

    Notre Président a de la suite dans les idées, il faut le reconnaître - certes ses opposants les plus mollassons disent qu’il est entêté, les gauchistes qu’il est têtu, les sociologues qu’il est borné, les psychologues qu’il est psychorigide, la presse étrangère qu’il est pathétique. Non, rien  de tout cela ; il est droit dans ses bottes, fier, il est notre Président à tous !

     

    Et c’est un brave homme. En cette semaine sainte, il a accepté de porter la croix de toutes nos inconséquences, de toutes nos turpitudes. Il chute, une fois, deux fois, trois fois et trouve encore la force de se relever. Étendant ses bras en croix, il protège ses petits, ses ministres, ses amis, jusqu’à Niquette Parpaing, notre brave ministresse du commerce extérieur qui souffre de ne rien connaître au commerce et de pas parler espéranto ! Mais ne lui jetez pas la première pierre : elle n’est pas seule responsable du déficit colossal de la balance commerciale. Plus même, comme elle n’y connaît rien, elle s’abstiendrait intelligemment, dit la rumeur, de toute décision ? C’est la vraie vérité.

     

    Mais, me direz-vous, une personne de premier plan a disparu du paysage médiatique… Mme Croq’mitaine ! Après avoir arraché Frolanda des bras de la mère de ses enfants, après avoir fêté à grands coups de « french kisses » sa victoire, la première dame est extrêmement déçue. Elle voulait une part de la gloire de son concubin, pas de sa déchéance ! Elle récolte moqueries et sarcasmes. Il paraît, de source anonyme, qu’elle cherche un autre cheval…

     

    D’autres ont disparu : Couillon et Flippé… alors qu’Achille Talon éructe et que Moussa Razé exulte.

     

    Cher lecteur, je vous conseille de vous diriger discrètement vers les canots de sauvetage… ou de « vous bouger le c… » ! comme on dit chez nous, pour concourir au renflouement du navire Congo. De mon côté, je me vois contraint de mener une nouvelle enquête, en Patagonie cette fois-ci, pour étudier de plus près les pingouins. Mais je reste proche de vous, cher lecteur.

     

    Votre correspondant à Brazzaville : Charles-Georges-Valéry-François-Jacques-Nicolas du Pont Branlant

     



    [1] CSDC : Conseil Supérieur de la Défense de la Constitution

  • Deuxième lettre au Président

     

                                                        Pétaouchnok, nonidi, 9 germinal an 221


    Monsieur le Président,

     

                 Je m’en veux terriblement de vous avoir envoyé ma lettre si tardivement que vous n’avez pas pu l’exploiter et avez si calamiteusement raté votre conférence télévisée.

     

    Vous m’avez dit que ce n’était pas de votre faute, que vous aviez pris soin de consulter les esprits les plus fins de votre entourage et que vous vous rendiez à l’évidence : les courtisans ne sont pas de bon conseil !

     

    Vous m’avez dit que vous regrettiez votre totale méconnaissance de l’entreprise et que vous veniez de découvrir que ce sont elles qui sont créatrices de richesse, qu’il y avait une différence irréductible entre vivre des taxes ponctionnées sur les citoyens et vivre des recettes obtenues en vendant des biens et des services ;

     

    Vous avez bien essayé de l’expliquer à M. Daniel Poujadasse mais avec une telle réserve, un tel manque de conviction que vos auditeurs ont bien compris votre dilemme : vous renier ou dénier la réalité !

     

    Et puis, vous aviez appris la veille de votre intervention que le déficit de l’État pour l’an 220 était de 4,8 % du PIB, faisant grimper la dette à 90 % du même PIB ! Il y avait de quoi être perturbé, le coup est rude : comment ? La réalité ne se plie pas aux dogmes ! Du coup vous reprochez à vos excellents professeurs de l’ENAE de ne pas vous avoir enseigné l’histoire, par exemple celle de l’écroulement de l’Empire Soviétique : la mort de l’initiative individuelle, la chape de plomb mise par l’État sur les forces vives du pays. Vous venez de comprendre cette parole forte : « La France est le dernier pays communiste au monde », avec la Corée du Nord, avez-vous ajouté. Vos yeux se sont décillés : « Bon sang, c’est donc pour cela que la Chine a libéralisé son économie ! » Certes, il y a des effets pervers : injustice, pollution, mais globalement les Chinois s’enrichissent et le chômage diminue. N’est-ce pas ce que le bon peuple veut ?

     

    Monsieur le Président, mon cher Napoléon ; vous me demandez de vous conseiller en secret pour sortir la France de la zone rouge – de la zone de relégation, m’avez-vous dit exactement – et pour préparer votre prochaine intervention à l’occasion du 1er anniversaire de votre règne – Vous espérez que ce ne sera pas le dernier mais n’en êtes plus si sûr. Entre ces deux futurs : être contraint à démissionner – avant que le peuple ne réclame votre tête – pour laisser la place à votre opposant de droite haï (à cette idée, votre visage se crispe, la sueur couvre votre corps et trempe le col de votre chemise) ; ou bien appliquer un amitieux programme de redressement national, à l’allemande… (recevoir des félicitations du Kayser vous file des boutons, être brocardé par vos ex-amis socialo-bureaucrates aussi) mais la perspective d’être réélu en l’an 225 fait passer la pilule.

     

    Allons, courage, monsieur le Président, vous sortirez grandi par l’épreuve du pouvoir et je serai fier d’avoir permis l’émergence du Discours d’un Monarque. Dommage que nous ayons perdu un an, le temps de votre formation accélérée !

     

    Recevez, mon cher Président, l’expression intéressée de ma haute considération et de mon admiration sans borne.

     

    Votre très dévoué,
    Talleyrand